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Devrions nous laisser tomber la littératie financière? Vous plaisantez!

Capacité Financière CFEE11.01.19

Nous voici donc au début d’une nouvelle année scolaire. Chaque année, pour une brève période, les médias et d’autres intervenants s’intéressent surtout à des questions touchant à l’école et à ce que nous enseignons à nos enfants.

Supposons un instant qu’il ait été décidé qu’à compter de septembre tous les élèves de 12e année de l’Ontario devraient apprendre à coder, une compétence jugée importante dans cet univers numérique où l’ordinateur est omniprésent.

Bon, peut‑être que vos enseignants sont différents de ceux que j’ai connus, mais la plupart n’avaient pas d’expérience en codage. Dans l’immédiat, cependant, nous aurions besoin de milliers d’enseignants pour apprendre aux enfants à coder. Imaginez dans quel chaos se retrouveraient les écoles qui s’efforceraient tant bien que mal de mettre en place le programme requis.

Transportons‑nous maintenant à la fin de l’année scolaire. Naturellement, on chercherait à évaluer l’incidence du programme : combien d’élèves sont maintenant capables de coder, quelles sont leurs compétences dans le domaine, dans quelle mesure utilisent‑ils le codage dans leur vie, et ainsi de suite. Avec autant d’élèves apprenant à coder auprès de personnes qui ne l’ont jamais elles‑mêmes appris, et encore moins enseigner à d’autres, à quoi aboutirait selon vous une telle évaluation? Sans doute pas à des résultats très brillants.

Par conséquent, devrions‑nous pour autant abandonner tout effort d’enseigner aux élèves à coder si nous croyons qu’il s’agit d’une compétence importante? Je ne le pense pas. Je pense qu’il faudrait surtout s’intéresser à la façon de soutenir le perfectionnement professionnel des enseignants, leur fournir des ressources de qualité et améliorer, avec le temps, les compétences en codage.

Pourtant, le 29 août dernier, le Globe and Mail publiait un article de Preet Banerjee intitulé « Should we give up on financial literacy? », ou « Devrions‑nous laisser tomber la littératie financière ». Preet, qui fait autorité en matière de finances et qui devrait être, s’il ne l’est déjà, un enseignant, citait la recherche de 2014 de Fernandez, Lynch et Netemeyer, recherche qui a été citée par tant de gens pour se prononcer CONTRE l’éducation financière dans nos écoles. Tous concluent que l’éducation financière n’a pratiquement aucune incidence et que les élèves retiennent très peu de choses à mettre en pratique dans leur vie.

Je suis depuis longtemps en désaccord avec les constats de leur recherche et j’ai souvent laissé faire les citations en espérant qu’elles cesseraient rapidement et qu’elles n’auraient, tout comme les constats, que peu de répercussions. Mais l’article de Preet est la goutte qui a fait déborder le vase.

Toute recherche de qualité dont les constats font faire la manchette devrait aussi amener à s’interroger sur les raisons de ces constats. Si un élève n’apprend pas, ne retient pas et n’applique pas ce qu’on lui enseigne, ne serait‑il pas avisé de s’intéresser à la qualité et à la nature de l’enseignement? Repensez aux nombreux cours que vous avez suivis et qui n’ont eu pratiquement aucune incidence sur votre vie, ou pour lesquels les connaissances transmises sont entrées par une oreille pour ressortir comme par magie par l’autre.

Maintenant, repensez aux cours qui ont eu une incidence et qui, d’une façon ou d’une autre, ont eu une influence sur votre vie, votre éducation et vos choix de carrière. Quel a été le facteur le plus déterminant? Si vous êtes comme la plupart des gens, ça a sans doute été un enseignant, ou un certain nombre d’enseignants.

En éducation, ce sont les enseignants qui ont le plus d’importance, plus que tout autre facteur. Ils captent notre attention. Ils nous mettent au défi. Ils nous inspirent. Ils nous font réfléchir et nous montrent comment appliquer notre réflexion aux défis et aux questions du monde réel.

Sans un enseignant formé, compétent et motivé, je vous mets au défi de trouver une matière d’enseignement, quelle qu’elle soit, qui aura une incidence.

Par conséquent, si je le pouvais, je mettrais les chercheurs au défi de me dire quelle a été la qualité de l’enseignement donné aux élèves dans leurs cours d’éducation financière. Les enseignants étaient‑ils bien formés et bien équipés? En l’absence d’information sur la qualité des intrants de l’enseignement, je contesterais la validité de toute conclusion sur ses résultats.

Je suis tout à fait d’accord avec l’une des plus grandes enseignantes d’éducation financière au monde citée par Preet dans son article, Anna‑Maria Lusardi. Je connais Anna et je respecte énormément son travail, comme beaucoup d’autres dans le domaine de l’éducation financière dans le monde entier. Elle soutient que l’éducation financière devrait être obligatoire, qu’elle donne des résultats et qu’elle peut avoir des répercussions positives sur la vie des élèves. Je souscris pleinement à son point de vue.

Je travaille dans le domaine depuis plus de 35 ans et j’ai vu l’évolution de l’éducation financière qui, d’inexistante, est devenue une priorité pour nos écoles. Je félicite le ministère de l’Éducation de l’Ontario pour son nouveau cours d’exploration de carrières de 10e année qui comprend un volet obligatoire de littératie financière. Il ne couvre pas tous les éléments importants de l’éducation financière, ce qu’un cours ne donnant droit qu’à un demi‑crédit ne pourra jamais faire. Mais c’est un bon début.

Des initiatives semblables sont en cours partout au Canada, mais toutes se heurtent à un même défi. La grande majorité des enseignants n’ont jamais été formés pour enseigner aux enfants les questions d’argent, la gestion de leurs finances et l’acquisition de bonnes compétences en gestion financière. Pourquoi le seraient‑ils? Comme cela ne faisait pas partie du programme scolaire dans le passé, les enseignants n’étaient pas formés pour l’enseigner. Ce n’est donc pas leur faute. Ce qu’il faut, c’est les aider et les soutenir.

L’éducation financière devrait être un aspect fondamental et obligatoire de l’éducation de nos élèves. Notre organisme, la Fondation canadienne d’éducation économique (FCEE), travaille récemment avec des organismes comme le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH). Nous examinons de plus près les liens entre, d’une part, la santé financière et, d’autre part, l’état de santé et de bien‑être général et mental. Et ces liens sont nombreux et importants.

Si vous êtes comme la plupart des gens, vous connaissez des personnes qui vivent dans un état de stress et d’anxiété permanent du fait de leur situation financière, un stress qui a des répercussions sur leur vie familiale, leur travail, leur bonheur personnel, leurs relations sociales, et ainsi de suite. Vous êtes peut‑être même l’une de ces personnes. Les difficultés financières, surtout lorsqu’elles sont persistantes et importantes, peuvent donner lieu à des problèmes physiques ou mentaux.

Ne croyez‑vous pas qu’il nous est possible d’enseigner à nos enfants à gérer leur argent et leurs finances pour pouvoir plus tard éviter le stress et l’anxiété que vivent tant de Canadiens aujourd’hui? Nous pouvons leur enseigner à faire la distinction entre besoins et désirs. Nous pouvons leur parler des influenceurs qui, dans leur vie, essayeront de leur faire croire qu’un désir est un besoin et qu’ils doivent vraiment acheter un certain article. Nous pouvons leur apprendre que toute décision financière implique un compromis, soit renoncer à quelque chose aujourd’hui ou plus tard pour ce qu’ils achètent aujourd’hui. Cela, ils peuvent l’apprendre grâce à la gratification différée : ils peuvent faire des économies pour acquérir des choses qui sont vraiment importantes pour eux, et cela les aidera à atteindre leurs buts. Nous pouvons leur enseigner l’importance de bien maîtriser leur situation financière, de fixer leurs propres limites et de ne pas laisser les autres leur dire combien ils peuvent emprunter ou dépenser et risquer ainsi de se retrouver en dehors de leur limite de résistance au stress.

Nous pouvons leur enseigner l’importance d’accorder de la valeur aux choses non matérielles, à l’amitié, aux relations et au simple fait de se sentir heureux. Nous pouvons leur enseigner l’importance de la compassion, pourquoi certains sont mieux lotis que d’autres et comment, s’ils le souhaitent, ils peuvent venir en aide à d’autres qui sont dans le besoin.

Bref, nous pouvons leur enseigner ces choses, et d’autres encore, qui, si nous le faisons bien, peuvent changer leur vie. Elles peuvent certainement avoir une influence qui persistera lorsque les décisions de la vie deviendront plus difficiles, complexes et importantes. Nous pouvons leur faire acquérir des comportements et des compétences financières qui vont avec ces connaissances. Et ces comportements et compétences seront beaucoup mieux retenus que les connaissances.

En conclusion, nous ne devrions pas laisser tomber la littératie financière. Et puis nous ne faisons à peine que commencer. Ce qui importe, c’est de bien le faire : former les enseignants, les soutenir et leur fournir des ressources de qualité, notamment par la simulation de situations de vie pertinentes susceptibles de marquer les élèves et d’être retenues.

Je suis d’avis que si nous combinons un programme d’études de qualité à des ressources de qualité et à la formation et au perfectionnement professionnels efficaces des enseignants, l’éducation financière rivalisera avec toute autre matière quant à son importance à long terme dans la vie d’un jeune. J’applaudis aux efforts déployés par la province pour mieux intégrer l’éducation financière. Mais un nouveau programme d’études n’est qu’un début. Il reste encore beaucoup à faire pour atteindre le résultat auquel nous aspirons : voir les jeunes d’aujourd’hui se bâtir un avenir financier radieux, vivre selon leurs moyens, maîtriser leur situation et savoir qu’ils peuvent se donner des objectifs et les atteindre.

Par Gary Rabbior
Président
Fondation canadienne d’éducation économique

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